La vie et l’activité de GHEORGHE I. BRĂTIANU (1898 – 1953)

Gheorghe I. Brătianu

Gheorghe I. Brătianu est le petit-fils de Ion C. Brătianu et le fils d’Ionel  Brătianu et de la princesse Maria Moruzi-Cuza. Le futur grand historien Gheorghe Brătianu est né le 28 janvier 1898 à Ruginoasa, dans le département de  Iaşi. Après des études au Lycée National de Iasi (la promotion 1916) il va s’enrôler en tant que bénévole dans l’armée pour participer à la guerre de réunification de la Roumanie.

En 1917 il va s’inscrire à la Faculté de Droit de Iasi dont il sera diplômé en 1920. Attiré par l’histoire, il va abandonner la carrière juridique et s’inscrira à l’Université de Sorbonne de Paris, où il fréquente les cours des historiens prestigieux, tels Ferdinand Lot et Charles Diehl, et soutiendra sa thèse de doctorat en 1929. Sa vocation pour l’histoire a été illustrée dès son premier ouvrage intitulé « Une armée moldave il ya trois siècles ». L’ouvrage a été publié par Nicolae Iorga et a représenté le début historiographique d’un jeune âgé de seulement 16 ans. En 1924 il deviendra professeur universitaire de la chaire d’histoire universelle de l’Université de Iasi, et en 1940, de l’Université de Bucarest. En 1942 il sera reçu parmi les membres des titulaires de l’Académie Roumaine. Gheorghe I. Brătianu remplira la fonction de directeur de l’Institut d’Histoire Universelle de Iasi  (1935 – 1940) et ensuite de l’Institut d’Histoire Universelle «Nicolae Iorga » de Bucarest  (1941 – 1947).

Gheorghe I. Brătianu va s’inscrire en 1926 dans le Parti National Libéral et le 12 octobre 1927 il deviendra le chef de l’organisation du PNL de Iasi. EN 1930, le politique  Gheorghe I. Brătianu donnera cours aux suggestions du roi Carol II et éclatera l’unité du PNL afin de créer une nouvelle formation politique : le PNL Gheorghe Brătianu. Le comportement du roi Carol II dans l’arène politique va déterminer l’historien de revenir, en 1938, dans le cadre du PNL. Sur le plan de la politique externe,  Gheorghe I. Brătianu a été un adversaire décidé d’une alliance avec l’URSS et a été persuadé qu’une alliance avec l’Allemagne nazie serait bénéfique pour la Roumanie. Le roi Carol II a écrit dans son journal que Gheorghe I. Brătianu était  « le frand apôtre de l’accord avec l’Allemagne ».

Le politique Gheorghe I. Brătianu ne participera pas aux réunions du Conseil de la Couronne du 27 juin 1940 lorsque la Roumanie céda la Bessarabie, la Bucovine du Nord et la région de Herta, mais uniquement à celle de la nuit du 30 au 31 août 1941. Il a été le partisan d’une résistance militaire puisque la cession allait apporter « l’écroulement, l’écroulement par la démoralisation, l’impuissance et l’anarchie ». Le 22 juin 1941 il a été mobilisé dans le cadre de la Division 7 infanterie où il a activé jusqu’au 12 juillet 1941. Après cette date, il a été transféré au Corps de Cavalerie, jusqu’au 30 novembre 1941, da ns le cadre du Bureau 2 informations-contre-informations, en tant qu’interprète d’allemand. Entre le 1er et le 30 novembre 1941, le capitaine  Gheorghe I. Brătianu a été détaché auprès du Grand Etat Majeur, Section I, le Bureau d’études-lois. L’historien allait être concentré, toujours au Corps de Cavalerie, du 16 juillet au 24 septembre 1942. Il a participé à la campagne de  cette grande unité dans la Presqu’île de Crimée et du Caucase.

Entre  1941-1942, il tiendra le cours intitulé La question de la Mer Noire à l’Université de Bucarest. Le 15 décembre 1941, lors de la leçon d’ouverture du cours sur l’histoire de la Mer Noire, Gheorghe I. Brătianu parlait de  « l’espace de sécurité » de la Roumanie, un terme géopolitique qu’il définira par la suite comme l’espace qui « comprend ces régions et points sans lesquels une nation ne peut réaliser ni sa mission historique, ni les possibilités formant sa destinée ». Il fera une distinction entre l’espace de sécurité, l’espace ethnique et l’espace vital. L’espace ethnique était « l’espace habité par le même peuple, dans le sens de nation », et  l’espace vital était un « rapport de forces », « l’espace sur lequel s’étend à un moment donné l’expansion d’une force ». L’espace de sécurité pouvait coïncider avec l’espace ethnique – d’où il résulte une « position de force » -, mais pouvait aussi s’étendre bien au-delà de celui-ci. L’affirmation de l’espace de sécurité ne signifie pas la volonté et le désir d’accaparer un « espace vital », donc ce n’est pas l’expression d’une force d’expansion.

L’historien Gheorghe I. Brătianu identifiait deux « positions clé »  à savoir  les positions géopolitiques décisives que la Roumanie devait inclure impérativement dans ses calculs stratégiques :  « 1. L’entrée du Bosphore et en général, le système des détroits emmenant la navigation au-delà de cette mer fermée ; et 2. La Crimée qui, de par ses havres naturels, de par ses forteresses des temps anciens, de par son bastion maritime avancé qu’elle représente dans la Mer Noire, est évidemment une position régnante sur tout le complexe maritime du lieu.  Qui a la Crimée peut régner sur la Mer Noir. Qui ne l’a pas n’y règne pas. Il est évident que ce problème est lié à nos questions puisque finalement, qu’est-ce que les détroits sinon le prolongement des embouchures du Danube. » Il ajoutait aussi que « la notion d’espace de sécurité  suppose qu’on puisse rester indifférents envers ce qui se passe dans ces deux positions clé d’une mer si étroitement liée à notre existence ». L’histoire des XIXe et XXe siècles était synthétisée Gheorghe I. Brătianu comme étant « un combat pour la Mer Noire entre la Russie et l’Europe ».

Après le 23 août 1944, Gheorghe I. Brătianu subira les conséquences de son attitude politique et scientifique antirusse/soviétique. En 1947, il est suspendu de l’Université et de la direction de l’Institut d’Histoire Universelle « Nicolae Iorga ». Il se voit fixer un domicile forcé  et on lui interdira d’entretenir des contacts externes. Durant cette période d’arrêt au domicile, Gheorghe I. Brătianu finira d’écrire son ouvrage sur  L’histoire de la Mer Noire. Le 9 juin 1948, avec la réorganisation de l’Académie Roumaine, qui change son nom en celui de l’Académie de la République Populaire Roumaine, Gheorghe I. Brătianu perd sa qualité d’académicien tout comme 97 autres personnalités scientifiques et culturelles roumaines. Pendant la nuit du 7 au 8 mai 1950, il est arrêté par la Securitate et incarcérer dans la prison  de Sighetul-Marmaţiei, sans être jugé et condamné. Pendant la nuit du 23 au 24 avril 1953, âgé de 55 ans, Gheorghe I. Brătianu est mort dans la prison,  dans des conditions qui n’ont pas été encore élucidées. Conformément aux témoignages des autres prisonniers, il paraît qu’il s’est suicidé par strangulation, ne pouvant plus supporter les tortures de la détention. Selon d’autres sources, on suppose qu’il a été frappé par un geôlier jusqu’à ce que Gheorghe I. Brătianu rendît son âme. En octobre 1971, sa famille fut autorisée de l’exhumer du cimetière de Sighet et de l’inhumer dans le caveau des Bratianu de Florica/Ştefăneşti, dans le département d’Argeş, dans une niche, à côté de son oncle Constantin I. C. Brătianu, au-dessus de laquelle est écrit: « Ils sont morts à Sighet, immuables dans leur foi ». En tant qu’historien, Gheorghe I. Brătianu a soutenu avec ténacité et rigueur scientifique la thèse de la continuité du peuple roumain dans l’espace carpatique-danubien-pontique. Ses ouvrages sur la présence roumaine en Bessarabie sont représentatifs pour la stature de l’historien et la conscience du politique.  On lui a proposé d’ailleurs de se dédire de ses thèses sur la Bessarabie, mais il a refusé, en assumant avec lucidité la responsabilité pour ses écrits. « La vérité reste, quel que soit le sort de ceux qui l’ont servie », écrivait Gheorghe I. Brătianu pour l’éternité.